© Assemblée Nationale
Suivre les débats à l'Assemblée Nationale sur l’ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe revient certainement à être un peu (trop) masochiste.
Je développe à chaque occasion une fascination horrifiée devant les arguments issus d’un autre âge de ceux qui s’opposent à mes droits, et dans un second temps, fébrilement, j’attends la répartie de ceux qui les défendent. C’est comme si je décidais sciemment de souffrir un bon coup pour pouvoir ensuite panser mes blessures avec les bons mots de Taubira (je pense à elle particulièrement, mais elle n’est heureusement pas la seule).
Je ne sais plus exactement ce qui me pousse à endurer ça. La peur de rater quelque chose de ce moment historique ? La crainte que si je ne suis pas assez vigilante, assez mobilisée, alors les promesses pourraient ne pas être (toutes) tenues ? Ou bien un intérêt réel pour la rhétorique homophobe, à mettre en lien avec mes cours de linguistique, de psychologie sociale et d’anthropologie ?
Je ne sais pas.
Je sais par contre que j’en suis impactée – je mentirais si je disais l’inverse.
Ce qui se joue-là est énorme, n’en déplaise aux députés qui prétendent que ces questions ne nous intéressent pas vraiment.
Je pense beaucoup à mon coming in, ces jours-ci, cette période apocalyptique où, prenant conscience de mon attirance pour les femmes, l’idée d’être pour toujours en marge me hantait. « Pas de mariage, pas d’enfant, pas pour moi. » Une ritournelle impossible à me sortir de la tête. Le sentiment que j’allais passer à côté de ma vie, que je n’aurais pas d’autre option que d’être malheureuse et privée de l’avenir que chacun est en droit d’espérer.
Ouvrir cette porte, c’est libérer toutes celles et ceux qui me suivront dans la découverte de leur homo/bisexualité. C’est leur permettre de ne jamais plus renoncer à leurs éventuelles aspirations conjugales et familiales. C’est les aider à se représenter beaucoup plus facilement le foyer qu’ils pourraient vouloir fonder dans le futur.
Penser que bientôt, ces possibilités nous seront offertes me donne le vertige. Penser que dans une décennie les mentalités auront suffisamment évolué pour que tout retour en arrière paraisse aussi absurde que s’il concernait le droit de votes des femmes…
Oui, tout cela est tellement grand que je ne parviens pas encore à le réaliser.
Alors je vis les débats au jour le jour, sans recul, et mon moral oscille logiquement en fonction. Je ne parviens plus à écrire ni de texte de fiction ni d’articles, suspendue que je suis au flux continu d’informations sur le sujet.
J’attends que ça passe, que la loi soit votée, pour enfin parvenir à reprendre le cours de ma vie. Pour respirer à nouveau, un air plus pur qu’il ne l’a jamais été pour nous, LGBT français.
J’attends, je souffre et j’exulte.
